« L’homme moderne est l’esclave de la modernité : il n’est point de progrès qui ne tourne à sa plus complète servitude. Le confort nous enchaîne. La liberté de la presse et les moyens trop puissants dont elle dispose nous assassinent de clameurs imprimées, nous percent de nouvelles à sensations. La publicité, un des plus grands maux de ce temps, insulte nos regards, falsifie toutes les épithètes, gâte les paysages, corrompt toute qualité et toute critique, exploite l’arbre, le roc, le monument et confond sur les pages que vomissent les machines, l’assassin, la victime, le héros, le centenaire du jour et l’enfant martyr.
Il y a aussi la tyrannie des horaires.
Tout ceci nous vise au cerveau. Il faudra bientôt construire des cloîtres rigoureusement isolés, où ni les ondes ni les feuilles n’entreront ; dans lesquels l’ignorance de toute politique sera préservée et cultivée. On y méprisera la vitesse, le nombre, les effets de masse, de surprise, de contraste, de répétitions, de nouveauté et de crédulité. C’est là qu’à certains jours on ira, à travers les grilles, considérer quelques spécimens d’hommes libres. »

Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, 1938.

Les hommes encore libres sont parfois visibles entre deux réclames quand ils n’en font pas partie, à travers les écrans qui nous servent de cachots. Nous pouvons les apercevoir dans un flux ininterrompu d’images d’information, de publicité et de divertissement. Depuis bientôt un siècle que ces lignes ont été écrites, l’aveuglement demeure. Nous persistons dans notre course à l’effondrement alors que nous sommes maintenant largement prévenus des conséquences de nos actes.

 

Est-ce que ce texte visionnaire n’est finalement pas devenu obsolète par une acceptation générale des règles de notre prison ?

Qui pourraient être aujourd’hui ces derniers êtres libres ?

 

Les peuples autochtones, natifs, peuples isolés volontaires, peuples premiers, sociétés tribales (suivant leurs dénominations) vivent en bonne compagnie avec la Terre-Mère sous toutes les latitudes et toutes les altitudes de la planète.

Le point commun de ces cultures très différentes est la pratique du chamanisme.

Cette pratique se pare de traits hétéroclites, mais sa fonction est identique, et ses principes sont souvent proches. Son rôle est d’assurer la survie de la communauté dans son écosystème en régulant les principaux aspects de la vie.

Le chamanisme est avant tout un fabuleux modèle d’adaptation.

Les destructions de la nature engendrées par les sociétés occidentalisées (implantation d’industries gazières, pétrolières, déforestation) mettent en péril ces peuples porteurs du savoir initial de notre planète. Ce savoir ne peut subsister à l’extérieur de son milieu biologique. Hors de son écosystème, il se désagrège avec la communauté qui le porte.

Les traces de chamanismes qui perdurent dans des sociétés comme la nôtre offrent un visage éloigné de celui des communautés ancestrales. Elles restent cependant visibles dans la pratique des panseurs de secret, des guérisseurs, de la sorcellerie et dans la permanence de certaines formes de paganisme que les croyances religieuses, philosophiques et politiques n’ont jamais réussi à anéantir. Car cette pratique appartient au peuple, naît du peuple et peut même ressurgir du peuple à la manière du druidisme qui peut se concevoir comme une forme organisée de chamanisme.

Ce territoire nous fascine autant qu’il nous repousse, car il nous relie à nos racines profondes.

Non pas nos racines culturelles toujours glorieuses et honorées, mais nos souches vitales, animales et organiques généralement considérées comme archaïques. C’est un monde qui dérange les êtres que nous sommes tous plus ou moins devenus, créés pour produire et dédiés à la consommation. Les principes du chamanisme permettent d’accéder à une spiritualité laïque du quotidien.

Le but est ici de trouver les traces de chamanisme dans notre culture et non d’opposer deux visions du monde par esprit critique.

 

Il s’agit de créer notre propre vision chamanique pour l’associer à notre monde essentiellement scientifique afin de nous relier à la seule véritable forme de vie sur Terre et nous ouvrir ainsi à cette liberté qui nous fait défaut.

Essais sur le chamanisme d’aujourd’hui

Ce texte est conçu en quatre parties qui peuvent se lire indépendamment. Toutefois, la première (Nos racines chamaniques) contient un certain nombre de bases utiles pour éclairer les trois autres.
Le contenu se construit avec des articles courts appuyés par des exemples concrets pour mettre en perspective ce qui nous rapproche ou nous oppose au chamanisme.

Découvrir chaque partie de l’essai « de l’air, du silence et de l’eau » par sa présentation en image, en le feuilletant ou bien sûr en le téléchargeant.

1 – « Nos racines chamaniques », partie consacrée à ce qui subsiste de notre chamanisme et comment il s’exprime encore dans notre société.

2 –  « Un être parfait », la partie consacrée à la santé, ou comment le chamanisme apparaît et disparaît de la sphère thérapeutique.

3 – « L’Âme de la Terre », partie consacrée à la planète : la recherche d’une métaphore chamanique de la Terre qui parlerait au plus grand nombre.

4 – « 8 Milliards d’êtres dans un seul corps », la partie consacrée à l’humanité.